Un texte à lire lors du rassemblement du 1er novembre 2019
Inutile de le cacher: c’est dur. Nous nous demandons tous comment nous renouveler, comment élargir le cercle, comment renouer avec l’allégresse des tout débuts. Et pourtant, nous ne devons reculer sous aucun prétexte. Exiger ainsi protection mois après mois… L’enracinement du mouvement des Coquelicots, qui sont devenus en un an une fleur symbole… Cela constitue notre force. C’est même notre destin. Et puis avons-nous le choix?
Dans une situation infiniment tragique, les Folles de la place de Mai, en Argentine, se réunissent chaque jeudi depuis avril 1977. Ces mères et grand-mères de disparus de la dictature ont obtenu des informations essentielles sur le sort de leurs enfants et petits-enfants. Et elles ont gagné. Pas tout, mais beaucoup. La loi a changé, les assassins, une partie d’entre eux, ont payé. Nous ne comparons pas, nous rapprochons.
Le mouvement des Coquelicots, ce sont aujourd’hui près de 500 collectifs dans tout le pays. Qui vont voir leur maire. Qui campent devant les lieux de pouvoir. Qui arpentent les marchés. Qui investissent les salons et les foires. Qui ont rencontré et parlé à des centaines de milliers de personnes. Y compris des agriculteurs maltraités par cette agriculture industrielle qui sème la mort et le désespoir.
Oui, amis des Coquelicots, nous avons totalement changé la nature du débat public autour des pesticides et, par ricochet, posé la question de l’avenir alimentaire de notre pays. Grâce à Daniel Cueff et aux maires qui ont aussi pris un arrêté de protection, des millions de Français ont découvert qu’on pouvait se battre pacifiquement contre un système criminel. Cela, sans discours ni flonflons, soyez-en fiers. C’est grâce à votre constance, à votre opiniâtreté, à votre inventivité. Bravo, bravo, et encore bravo à vous tous.
Où en sommes-nous? A l’approche du million de soutiens, nous réfléchissons, comme vous, à des formes de désobéissance civile, qu’il est facile de proclamer, et si malaisée de pratiquer. Il le faut pourtant. Car sous un régime démocratique, ce qu’un peuple veut, il doit pouvoir l’obtenir si ce n’est pas folie. Et ce n’est pas folie que de réclamer la fin d’une pratique agricole maudite, qui nous prive de la base vivante sans laquelle aucune société humaine ne peut espérer continuer sa route et qui tue la paysannerie elle-même.
Amis Coquelicots, accrochez-vous aux branches, laissez les vents mauvais s’épuiser, relevez la tête et soyez heureux de notre beau combat commun. Laissez donc un peu de place, dans vos esprits, aux Folles de la place de Mai, qui tiennent, elles, depuis 42 années. Nous allons gagner, car nous ne pouvons pas perdre. Haut les cœurs, et vive la vie!