Ce qu’un peuple veut

Nous voulons des coquelicots

Vous savez quoi? C’était de la blague. Nos dirigeants successifs nous ont bâillonné pendant des décennies en jurant que rien n’était possible. Il y avait toujours une bonne raison pour ne rien faire. Tel traité commercial nous ligotait au point de nous étouffer tous. Nous ne pouvions pas nous passer du veau aux hormones, ou du bœuf aux antibios, ou des bananes au chlordécone, ou des fraises empoisonnées. Tel partenaire industriel menaçait de retirer de France ses investissements si le gouvernement ne révisait pas au plus vite sa politique. Telle décision ne pouvait se prendre qu’au niveau européen, et dans l’unanimité, bien sûr.

Cette méthode, tant utilisée sous tous les régimes, c’est celle de la peur. C’est la manière commune de tenir les peuples et de leur faire admettre qu’il ne faut pas trop demander, et qu’il faut demeurer réalistes, réalistes aux yeux de ceux qui ne se seront jamais opposés à rien. Nos gouvernants ont prétendu contre l’évidence qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. La pandémie du coronavirus révèle au grand jour qu’il n’en est rien.
Non seulement ils ne savent pas, mais en outre, ils redécouvrent la lune, cette lune que nous n’avons jamais cessé de montrer du doigt. Cette lune porte un autre nom : la démocratie. Quand un peuple veut, il doit pouvoir imposer sa loi et faire voler en éclats les billevesées qui, hier soir encore, semblaient du béton armé. Avez-vous mesuré l’ampleur du changement? Brutalement, tous les signaux changent de direction. Les monstres transnationaux qui paralysaient si facilement la décision publique sont renvoyés à leurs niches respectives. Une seule réunion élyséenne de deux heures permet de faire plier des lobbies qu’on croyait indestructibles.

Certes, tout cela aura une fin. Mais en attendant, la crise en cours réhabilite la politique dans ce qu’elle a de plus essentiel. Quand des intérêts supérieurs sont en jeu, on peut et on doit rappeler qu’il existe des intérêts subalternes. Et parmi eux, des industries aussi massives que le tourisme, le commerce, la bagnole.

Et les pesticides? Et les pesticides. Ce que nos gouvernants ont imposé à l’industrie sans un mot de protestation, ils peuvent l’obtenir demain de «géants» comme Bayer-Monsanto, BASF ou Syngenta. Oui, on peut décréter la fin des pesticides comme on peut annoncer le confinement d’un peuple. Il faut et il suffit de le vouloir. Pour l’heure, le déni de réalité continue d’habiter le cœur de nos politiciens. Mais demain?

Nous sommes une force populaire, avec laquelle il faut désormais compter. L’aura-t-on assez répété? L’auront-ils assez dit? La santé n’a rien à voir avec l’économie, et quand celle-ci est atteinte, on ne peut plus agir en comptables. Il faut alors agir, et renverser la table. Nous parlons bien sûr de la santé des paysans, la première touchée par le poison. De celle des riverains et des voisins. De celle de tous, car tous sont désormais exposés. De celle des oiseaux, des papillons, des abeilles, de tant de merveilleuses formes vivantes sans laquelle le voyage des humains ne pourrait continuer. Oui, plus que jamais, interdiction de tous les pesticides de synthèse.