Où sont les études ? Nulle part. Fondamentalement, nos autorités sanitaires n’ont pas étudié la toxicité des métabolites de pesticides, pourtant omniprésents dans l’eau du robinet. Mais à condition de dépouiller des centaines de sources – un travail très fastidieux -, il est possible de démontrer que les métabolites sont un danger majeur. Notamment au travers d’un phénomène bien connu, appelé bioactivation.
Ce qui va suivre démontre que toutes nos autorités sont irresponsables. Elles ne se donnent pas les moyens de la connaissance scientifique sur les métabolites. Cette dernière est dispersée dans quantité d’études et de rapports qui tous démontrent l’extraordinaire danger de ces structures chimiques. Le ministère de la Santé, via la direction générale de la Santé, n’a qu’un but: faire oublier l’existence de milliers de métabolites, car les chercher, c’est les trouver, et les trouver, c’est faire exploser le système de distribution d’eau potable en France.
Bonne lecture!
1/ Commençons par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). C’est notre grande agence publique de protection. Dans ses documents, tournant autour du pot, incapable de montrer des études qui n’existent pas, elle est tout de même contrainte de dire quelques vérités (https://www.anses.fr/fr/system/files/EAUX2015SA0252.pdf).
Exemples :
A/ « Les métabolites malaoxon et paraoxon sont ainsi connus pour induire une toxicité plus importante que leurs parents respectifs : le malathion et le parathion (Sultatos et al., 1994) ».
B/ « Il s’agit de la dernière étape d’évaluation de la pertinence d’un métabolite pour les EDCH. Le GT, s’appuyant sur les connaissances scientifiques disponibles, a identifié un cas particulier consistant en la transformation dans la filière de traitement d’un métabolite de pesticide en un produit dangereux pour la santé humaine. En effet, les sous-produits formés ne sont pas toujours connus et détectés. Par ailleurs, l’évolution des outils analytiques et des connaissances sur les process de traitement permettent de mettre en évidence certains sous-produits dangereux pour la santé humaine. Le seul exemple documenté aujourd’hui est le tolylfluanide (fongicide à large spectre d’action) dont un des métabolites majeurs dans les ressources en eau est le diméthylsulfamide (DMS). Ce DMS peut se transformer lors de l’étape d’ozonation dans les filières de traitement de l’EDCH en N-nitrosodiméthylamine (NDMA), molécule aux propriétés génotoxiques et cancérogènes avérées (Afssa, 2007c, Anses 2018a) ».
L’extrait ci-dessus est éclairant, car il montre qu’un métabolite dangereux peut se former justement dans la filière de traitement de l’eau potable. Et, point qui n’est pas rassurant, le texte de l’ANSES note qu’il n’existe qu’un exemple documenté, celui du tolylfluanide, un fongicide. Ne vous laissez pas impressionner. Si c’est le seul cas « documenté », cela signifie seulement que pour d’autres possibles, qui sont peut-être des centaines, il n’y a pas d’études. Pas de « documents ».
C/ « Enfin, l’ozonation peut parfois conduire à la formation de sous-produits plus toxiques. L’ozonation de la N,N-diméthylaminosulfotoluidine (DMST) et de la N,N-diméthylsulfamide (DMS), qui sont des métabolites du tolylfluanide, peut conduire à la formation de NDMA ».
2/ L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) est l’un de nos grands instituts publics.
Exemples :
A/ « Si ces réactions de phase I et II jouent un rôle essentiel dans l’inactivation des composés exogènes, elles sont également à l’origine des effets toxiques de plusieurs substances (Dekant, 2009). En effet, le processus de biotransformation peut donner lieu à des métabolites réactifs capables de se lier de façon irréversible à des macromolécules endogènes telles que l’ADN ou les protéines et entraîner des effets génotoxiques ou immunotoxiques ». (http://ipubli-inserm.inist.fr/bitstream/handle/10608/222/Chapitre_14.html).
B/ « Le benzène n’est pas myélotoxique par lui-même. Ce sont ses métabolites, en particulier la benzoquinone et l’acide transmuconique qui peuvent réagir avec l’ADN pour former des adduits (Snyder et Hedli, 1996). La formation de métabolites fortement toxiques est proportionnellement plus importante à doses faibles qu’à doses élevées. Il est donc dangereux de faire des extrapolations linéaires de risque de syndrome myélodysplasique, de leucémie ou d’anémie à partir des doses fortes, qui pourraient sous-estimer le risque des expositions à faibles doses (Henderson, 1996) ». (http://ipubli-inserm.inist.fr/bitstream/handle/10608/179/?sequence=7).
3/ L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) est devenu L’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Dans un document passionnant de 2008 (https://www6.inrae.fr/ciag/content/download/3499/35173/file/10-Mamy.pdf), ses chercheurs écrivent :
« Dans les conditions de laboratoire utilisées (28°C, humidité du sol à la capacité au champ), conditions optimales pour la dégradation des pesticides, la persistance des herbicides est très faible, en particulier pour le glyphosate, et, d’une manière générale, elle diminue dans le sens : trifluraline > métamitrone >métazachlore > sulcotrione > glyphosate. Cependant, dans le sol limoneux, où son adsorption est élevée, le glyphosate est plus persistant que le métazachlore et la sulcotrione. La formation d’un métabolite majeur a été observée dans les cas du glyphosate (acide aminométhylphosphonique, AMPA), du métazachlore (métabolite non identifié, M4) et de la sulcotrione (acide 2-chloro-4- méthylsulfonylbenzoïque, CMBA). Les DT50 des métabolites sont bien supérieures à celles des herbicides (20 à 100 fois plus élevées), en conséquence, ces métabolites présentent des risques pour l’environnement plus importants que les herbicides ».
Ce document est passionnant à plus d’un titre. Un, il montre que la question est connue depuis longtemps, puisqu’il date de 2008. Deux, la DT 50 est la durée au bout de laquelle un produit perd 50% de sa concentration. Le texte signale que certains métabolites d’herbicides ont une DT50 100 fois plus élevée que celle des pesticides d’où ils viennent. 100 fois ! Ils restent actifs dans le sol, les plantes, les abeilles beaucoup, beaucoup plus longtemps. Trois, ils « présentent des risques pour l’environnement plus importants ».
4/ Raymond Cloyd, entomologiste à l’université américaine du Kansas apporte des précisions importantes sur les insectes. (https://bookstore.ksre.ksu.edu/pubs/MF3070.pdf).
Exemples :
A/ « Approximately 95 percent of the parent compound is metabolized, depending on the plant species and time. Certain metabolites of imidacloprid are active against insect pests such as aphids. The primary metabolites are olefine, 4-hydroxy, and 5-hydroxyimidacloprid. Olefine is 10 times more active and tends to be more toxic to insects that withdraw food from the vascular tissues of plants than imidacloprid ».
Nous ne traduisons pas dans le détail. Cloyd explique que des métabolites de l’imidaclopride sont dix fois plus actifs et tendent à être plus toxiques pour les insectes qu’ils visent. L’imidaclopride est la matière active du fameux Gaucho tueur d’abeilles.
B/Le même Floyd écrit :
« In summary, a number of pesticides (insecticides and
miticides) commonly used to manage or regulate insect
and mite pest populations of horticultural crops are
converted into metabolites once inside the targeted
pest or plant by means of oxidation or hydrolysis. These
metabolites may be more toxic to targeted insect and mite
pests than the active ingredient ».
Parlant d’un point de vue plus général, Floyd note que de nombreux métabolites peuvent être plus toxiques que les molécules mères.
5/ Cette source officielle américaine (National Institutes of Health ou NIH) estime en résumé :
« In many cases, however, the metabolites are more toxic than the parent substance, a process called bioactivation. Occasionally, biotransformation can produce an unusually reactive metabolite that may interact with cellular macromolecules like DNA. This can lead to very serious health effects such as cancer or birth defects. An example is the biotransformation of vinyl chloride into vinyl chloride epoxide, which covalently binds to DNA and RNA, a step leading to cancer of the liver ».
Traduction : « Dans de nombreux cas, cependant, les métabolites sont plus toxiques que la substance mère, par un processus appelé bioactivation. Parfois même, la biotransformation peut produire un métabolite inhabituellement réactif qui peut interagir avec des macromolécules cellulaires comme l’ADN. Ce qui peut entraîner des effets très graves sur la santé tels que le cancer ou des malformations congénitales.
Un exemple est la biotransformation du chlorure de vinyle en époxyde de chlorure de vinyle, qui se lie de manière covalente à l’ADN et à l’ARN, une étape menant au cancer du foie ».
6/L’exemple éclairant du méthoxychlore
Le méthoxychlore est un insecticide puissant, utilisé pour remplacer le DDT quand celui-ci a été interdit. Logique, car il est lui-même un produit de dégradation – un métabolite donc – du DDT. Il était considéré comme bien moins toxique que sa molécule mère d’origine, mais il a fini par être interdit en Europe en 2002 et en 2003 aux États-Unis. L’explication est donnée par le journal américain réputé Chemical & Engineering News (https://cen.acs.org/articles/94/i32/Making-sure-chemical-toxicity-tests.html).
Extrait : « Once hailed as a safe alternative to the persistent organochlorine insecticide DDT, methoxychlor was widely used for decades to fight flies, mosquitoes, roaches, and other household pests. It was also extensively applied to fruits and vegetables, grains, and livestock.
But after laboratory animal studies linked the substance to developmental and reproductive side effects—including miscarriages, reduced fertility, and small litter size—regulators took action. The European Union banned sales of methoxychlor in 2002 and the U.S. followed suit in 2003.
Without data from animal studies, regulators would have likely missed the adverse effects of methoxychlor. The insecticidal chemical itself is relatively benign. Once it enters the body, however, metabolic enzymes in the liver convert the chemical into 2,2-bis(p-hydroxyphenyl)-1,1,1-trichloroethane (HPTE), a substance with estrogenic activity. This metabolite disrupts the body’s endocrine system ».
Traduction :
« Un moment présenté comme un remplaçant sûr de l’insecticide organochloré persistant DDT, le méthoxychlore a été largement utilisé pendant des décennies pour lutter contre les mouches, les moustiques, les cafards et autres pestes domestiques. Il a également été largement appliqué sur les fruits et légumes, sur les céréales et le bétail.
Mais des études en laboratoire sur des animaux ont démontré des effets secondaires sur le développement et la reproduction – y compris des fausses couches, une fertilité réduite et une petite taille des portées – et l’Union européenne a interdit les ventes de méthoxychlore en 2002 et les États-Unis en 2003.
Sans ces données, les autorités de contrôle seraient probablement passé à côté des effets néfastes du méthoxychlore. Le produit chimique insecticide lui-même est relativement bénin. Cependant, une fois qu’il pénètre dans l’organisme, les enzymes métaboliques du foie convertissent le produit chimique en 2,2-bis (p-hydroxyphényl) -1,1,1-trichloroéthane (HPTE), une substance à activité œstrogénique. Ce métabolite perturbe le système endocrinien du corps ».
Ces informations sont essentielles, car elles montrent qu’un métabolite peut être jugé non toxique, ou peu pertinent, pour reprendre le vocabulaire de notre ANSES, et se révéler en fait très dangereux. Comment ? Par ingestion et nouvelle métabolisation, en l’occurrence par le foie humain.
Par ailleurs et enfin, la pharmacienne australienne Yolanda Smith détaille ci-dessous (en anglais) comment des substances métabolisées par le foie – des métabolites – deviennent toxiques : https://www.news-medical.net/health/Toxicity-of-Metabolites.aspx.
Et aussi : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3423547/